Il y avait eu tant de désillusions amères, aux relents âpres et latents, qui rampaient en silence sous ses passions dévorantes. De ses rêves arrachés auraient pu découler des sentences acerbes, noyant de leur véhémence une colère non-voilée. Mais pourtant la douceur de Nocturne avait balayé ses cassures, remplaçant les déceptions par des sourires candides et des paroles douceâtres. La patience à fleur de peau, il nourrissait ardemment son désir de protection ; cœur loyal et corps dévoué battant ensemble pour la défense de son foyer. Il répondait amen aux exigences des siens, leur accordant une confiance borgne et muette. La révolte n'était pour lui qu'un sentiment défaitiste auquel il n'accordait aucune prétention, seul valant la dévotion, sans pourtant sombrer dans les affres de la servitude. Ses rares tempêtes étaient terribles, et arrachaient sans tendresse les promesses de douceur. Mordant la peau et broyant les os, ses colères enflent et rongent, dispersant esquisses louables et éclats de bienveillance. Ses ardeurs lancinantes se déchaînaient au combat, plongeant avec entrain parmi les méandres embrumés de ses instincts primaires, se délaissant avec félicité aux carnages amènes et aux avides tentations de ces exutoires passagers. Cependant jamais ne courbait sa bonté, et lorsque épuisée, sa fureur étouffait en silence, les yeux du félidé redevenaient candeur et chaleur. Au grand jamais ses ivresses de jeunesse n'avaient emporté dans leur déclin les lueurs de malice qui tapissaient les méandres de ses prunelles de jade. Alors que des élans mélancoliques se lisaient sur ses traits, Nocturne quémandait silencieusement pardon pour ses affronts et maladresses, se perdant durant un instant parmi les froides et lointaines étendues constellées, à la recherche d'une miséricorde incertaine. Mais alors que le jour étire ses bras au loin, les sourires et les joyeusetés repeignent son visage, car dans ses veines coulent l'obéissance et la dévotion, bercé d'amour et d'absolution.

Sous sa peau marquée roulaient des nervures séches, tendues par un effort qui jamais ne cessait. Un pelage grisâtre qui voilait une carcasse filiforme, corpulence athlétique caractéristique des combattants. Taille décente sans être haut sur-pattes, il ne dégageait de sa présence aucune prestance remarquable, seule une digne musculature révélant les entraînements d'antan. Celui qui aurait pu se voiler de l'orgueil d'un fier guerrier n'était qu'un frêle dans l'enveloppe d'un roi. Revêtant une fourrure achrome aux teintes délabrées, un gris poussiéreux qui brassait des tons noirauds s'étendant sur son poitrail, terne et morne. Au-delà de cette étendue de brouillard se détachaient deux perles de jade, prunelles vives et flagrantes d'émotion, contraste marquant sur un désert obscur. Regard empli de douceur, pâle émeraude à la fade couleur, la compassion débordait de ses orbes verdâtres, fenêtres ouvertes sur une candeur indécente. Banalité navrante mais guerrière, corps éperdu à l'épiderme marqué par les combats et le temps.

u.c (nota-bene : quinze lignes)